Relecture de la 22ème édition par Arnaud Alibert — Les Entretiens de Valpré

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Au croisement de l’entreprise et de la personne humaine

Relecture de la 22ème édition par Arnaud Alibert

Comme chaque année, le Père Arnaud Alibert, rédacteur en chef à La Croix, revient sur la journée du 15 novembre, marquée par des échanges riches et inspirants sur le thème "Faire société en entreprise : un peu, beaucoup, jusqu'où ?".

En s'appuyant sur les Évangiles et le chapitre 22 des Actes des Apôtres, cette réflexion invite à dépasser les tensions et défis contemporains pour envisager un modèle d'entreprise porteur de fraternité, d'espoir et d'innovation sociale.

Entre les témoignages marquants de la veille et des perspectives audacieuses, cette relecture engage chacun à affronter les mutations de notre époque avec courage et foi. Elle questionne nos choix en entreprise à la lumière des valeurs humaines et spirituelles, en cultivant le lien entre rentabilité et bien commun.

 

Retrouvez l'intervention écrite du Père Arnaud Alibert :

Saint Paul dans sa lettre aux Romains écrit ceci : « Nous le savons bien, la création tout entière gémit, elle passe par les douleurs d’un enfantement qui dure encore. » Rm 8,22. La 22e édition des Entretiens de Valpré pourrait, de bon droit, être placée sur cet arrière-fond de tremblements.

Il y a d’abord, bien-sûr, l’improbable gémissement de la charpente de la grande chapelle de Valpré qui a obligé tout le monde à se déplacer dans un chapiteau. C’eut été presque mieux si l’évidence de la non-durabilité de l’endroit n’avait pas sauté aux yeux de chacun, ouvrant, tout de suite, la perspective que l’an prochain nous retournerons au centre.

Autre était le gémissement des informations, dont la nouvelle donne politique en Amérique, plusieurs fois citée, jamais comme une bonne nouvelle. Quel enfant politique va naitre de l’administration Trump 2ème formule ? Le Général Bertrand Toujouse n’a pas caché son analyse : « notre époque est marquée par la folie humaine, face à laquelle on a une obligation de résultat ; on a quelques années pour gagner la guerre avant la guerre. Aujourd’hui, il y a des grandes contestations en face nous ».

À tout cela pourrait être ajoutés les annonces des plans sociaux, les poussées de fièvre antisémites un peu partout, ou le drame de la drogue comme en témoignait la Une de La Croix distribuée aux participants. Bref, une actualité lourde de menaces.

J’ai commencé en citant saint Paul. Peut-être nous faut-il nous rappeler d’où il parle. Puisque nous vivons une matinée de méditation et de foi, peut-être est-il bon de redire que Paul écrit ses lettres, trempé d’espérance, dans l’assurance que le Christ Ressuscité est vainqueur de toute tribulation et de toute mort.

Nous le savons, il n’en a pas toujours été ainsi dans sa vie. Paul a connu un retournement sur son chemin de Damas. Permettez-moi de croire qu’il a passé la journée avec nous hier, pour nous faire vivre, à nous aussi, un retournement nous permettant de tourner le dos aux guerres et aux tensions en tout genre pour, ensemble, « faire société » un peu mieux. Et sa tâche n’a pas été facile car il faut bien le reconnaitre il est bien difficile de faire le lien entre l’appel au royaume tel qu’entendu dans les Evangiles et l’engagement dans l’entreprise fût-elle une entreprise à mission. Peu se sont risqués à cet exercice. Théo Scubla, fondateur inspiré et inspirant de Each One, entreprise d’intermédiation pour l’emploi des réfugiés, a bien parlé « d’acte de conviction » pour voir, en grand, ceux que certains appellent des « petites gens ».

Dans un autre registre, Bénédicte Durand-Deloche, PDG d’Althéora, a noté que les solutions passaient moins par les entreprises prises à l’unité que par leur regroupement dans des syndicats professionnels de filières ; on peut y voir un commencement de communion où une entreprise isolée est une entreprise en danger, version moderne de l’adage de Saint Augustin : un chrétien isolé est un chrétien en danger. Mais cela reste des signaux faibles. Faibles donc importants à sentir comme l’a rappelé Alexandre Bompard, Président de Carrefour, qui reconnait aussi que le plus difficile n’est pas de les sentir mais d’en faire quelque chose. C’est peut-être ça la clef de la journée « Faire société » passe, pardonnez-moi ce truisme, par un faire.

Essayons de voir de quoi il en retourne. Relisons le chapitre 22 du livre des Actes des apôtres.
Paul s’adresse au peuple sur le parvis du temps de Jérusalem et livre son récit, qui commence par le rappel d’une situation de crise :

 

05 le grand prêtre et tout le collège des Anciens peuvent en témoigner. Ces derniers m’avaient donné des lettres pour nos frères de Damas où je me rendais : je devais ramener à Jérusalem, ceux de là-bas, enchaînés, pour qu’ils subissent leur châtiment.

Pour qui veut faire société, il n’y a pas pire châtiment que les sigles. RSE. ESG et surtout CSRD. À la table où siégeait Arnaud de Puyfontaine, Président du directoire de Vivendi, un cri s’est même fait entendre qui a déclenché rires et applaudissements « Pour ralentir les USA, il faudrait exporter nos normes chez eux ».

Mais les difficultés peuvent venir d’ailleurs et parfois nous surprendre. Comme l’an dernier, le télétravail fait l’objet de débat. Bon dans un sens, mauvais dans un autre. Assurément, il n’est pas une baguette magique. Pour construire un monde meilleur, on ne sait toujours pas s’il s’agit d’un allié ou d’un ennemi qui a lui aussi à vivre un chemin de Damas pour se faire au service du bien.

Enfin, habitué à hanter les discussions le COVID a plané dans les discours. Il nous a valu la confession publique d’Alexandre Bompard, Président de Carrefour : « je n’ai pas fermé mon siège social, malgré les injonctions de le faire. »  On peut le comprendre : comment manager dans le confort de la sécurité sanitaire des personnes qui au quotidien prenne le risque d’être contaminé ou de contaminer leur famille. Quand le travail devient un danger, chacun doit prendre sa part. Solidarité minimale du vivre en société.
Mais n’allons pas trop vite. Reprenons la lecture.

 

ILLUMINATION : 06 Donc, comme j’étais en route et que j’approchais de Damas, soudain vers midi, une grande lumière venant du ciel m’enveloppa de sa clarté. 07 Je tombai sur le sol.

Ah oui, j’allais oublier. Ce jour-là, à Valpré, la lumière du soleil était belle et le parc, largement visible depuis les baies vitrées, magnifiquement drapé des couleurs d’automne.

À moins que ce ne fut le soleil de l’innovation sociale, un soleil en forme de table ronde animée par Marie Dancer, journaliste à La Croix. Ils sont trois entrepreneurs sociaux, dont le témoignage pendant près d’une heure ne cachera pas les difficultés du parcours. Mais là devant nous, ils veulent nous montrer que rien n’est perdu, rien n’est à jeter dans l’homme. Ils interpellent notre conscience : « De quel côté es-tu ? Celui de l’indifférence et de la peur ou celui de l’espérance ? »

Ils s’appellent Silouane, Théo et Charles Edouard. Ils offrent un emploi à des personnes sorties de la rue, de la délinquance ou de l’oubli dans lequel les relèguent leur statut d’immigré. Et eux, qu’apportent-ils ?

« Ils restaurent l’honneur du métier en le faisant bien et en vivant de lui », note Silouane. Comment est-ce possible ? En leur apportant la considération que mérite le travailleur qui effectue un travail difficile. Certains alors disent « on ne m’a jamais remercié pour mon travail ». Silouane l’avoue : « ces visages illuminés sont extrêmement beaux ».

Il en est de même avec les "Lulu dans ma rue", dont la moitié sont des femmes, ou des réfugiés qui ont fui Damas. Tiens Damas, encore !

 

QUESTION QUI RETOURNE : et j’entendis une voix me dire : “Saul, Saul, pourquoi me persécuter ?” 08 Et moi je répondis : “Qui es-tu, Seigneur ? – Je suis Jésus le Nazaréen, celui que tu persécutes.”

Dans son mot d’accueil, François Morinière avait donné les termes du débat : « L’homme et la rentabilité ne doivent pas être opposés ». Tout au long de la journée, les intervenants ont soutenu la place de l’homme comme richesse au cœur du système. Mais la pointe de la parole inaugurale n’était peut-être pas sur la rentabilité de l’homme ou sa capacité à créer de la valeur mais bien cette mise en garde « ils ne doivent pas être opposés ». Pour « Faire Société », il faut prendre tous les éléments de l’ensemble et aucun ne doit être opposé aux autres. Il faut les composer.

« Dans le monde politique, confesse une ancienne ministre, il y a beaucoup de violence ; comment peut-il rester suffisamment d’énergie et de courage pour s’engager dans le bien commun ? » Que de combats inutiles dans nos vies, reconnaissons-le… Peut-être nous battons-nous contre des fantômes.

 

VIVRE ENSEMBLE, LE RETOURNEMENT ? (Suite de la lecture des actes des Apôtres) 09 Ceux qui étaient avec moi virent la lumière, mais n’entendirent pas la voix de celui qui me parlait.

Voit-on cette lumière et entend-on cette voix, si comme 63% des Français on se retrouve dans son jardin, demande Jean Viard, sociologue des ruptures venu nous secouer. N’en déplaise à Voltaire dont le héros Candide se plaisait à dire que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes et dont le serviteur Pangloss ne rêver que de cultiver son jardin, l’humanité est face à deux ruptures qu’elle n’a pas vu venir : le prise en main du destin de l’humanité par la nature elle-même qui se rebelle sous nos yeux et la fin du distinguo masculin/féminin qui conduit à une baisse sans précédent de la natalité. Le diagnostic est inquiétant.
Le salut réside peut-être dans le message de la voix qu’il nous faudrait entendre ?

Cette voix était-elle celle d’André Dauré, de 1964 qui disait, comme le rappelait Patrick Gilormini, maitre de conférences à l’UCLy, aux multiples auteurs de référence « Le leader doit avoir le souci majeur du bien-être et de la santé ; un but servir, sa famille, son personnel, sa clientèle et son pays ».

Ou bien, cette voix était celle d’Olivier Ginon, d’une certaine manière le sauveur de cette 22e édition. L’entrepreneur lyonnais ne s’embarasse pas de référence à Saint Simon ; il dit les choses cash : « on peut faire des réunions en digital, mais faire société passe par se rencontrer ».

Voilà un commencement de programme. Il nous faut poursuivre.

 

QUE FAIRE ? 10 Alors je dis : “Que dois-je faire, Seigneur ?” Le Seigneur me répondit : “Relève-toi, va jusqu’à Damas ; et là on te dira tout ce qu’il t’est prescrit de faire.”

Les compagnons de Paul sont là médusés, ne comprenant pas trop ce qui se passe, sentant quand-même qu’ils font partie de ce « on » qui va devoir dire à Paul ce qu’il doit faire et l’accompagner jusqu’à destination. Qui sont-ils ?

Peut-être Isaure de Zélicourt, Chief of Staff du Fonds du Bien Commun, visant à la transformation de la société, Jacques Olivier Abiteboul, Président du groupe JJA, à la tête de 2400 collaborateurs, qui propose de réenchanter l’intérieur de nos maisons ou encore Jerry Knock, qui ramène de ses nombreuses expériences cette conviction que la culture du pays disparait dans les entreprises ; celles-ci aujourd’hui ont une culture « monde » ; Faire société pour elles c’est avant tout vivre en transversalité. Cette transversalité, si elle n’est synonyme que de performance et d’optimisation des risques manquera l’objectif du Faire société ; Mais si elle lui permet d’être attentive aux fragilités cachées, alors elle y contribuera. Cela demande de se réveiller. Réveil, le mot est lâché. Réveil des consciences, tout le monde a compris. « Relève-toi », dit le Seigneur.

C’est justement ce qui est arrivé à Elisabeth Moréno, ancienne ministre déléguée à l’égalité des femmes et des hommes, à la diversité et à l’égalité (Gouvernement Jean Castex). Avec pudeur, elle nous raconte son histoire qui dit qu’elle est née dans une colonie portugaise, le Cap Vert ; sa famille connait un drame familial qui l’amène en France. Devenue adulte, elle vit une délivrance, un retournement, une forme de chute de cheval managériale qui lui est salutaire. On lui avait mis sur le cœur depuis son enfance « tu ne réussiras pas ». Mais un jour, un homme se croyant malin lui dévoila par son machisme et le mensonge de cette phrase qui l’écrasait : « cela m’a permis d’être leader comme je le souhaitais ».

 

COMPLEMENTARITÉ : 11 Comme je n’y voyais plus rien, à cause de l’éclat de cette lumière, je me rendis à Damas, conduit par la main de mes compagnons.

Elle est belle cette fraternité des compagnons de Paul. À moins que cela ne soit qu’une amitié sociale. Non, c’est bien une fraternité, a affirmé le père Jean-Marie Petitclerc, célèbre éducateur salésien, dans sa table ronde, pour qui la force d’une chaîne se mesure à la résistance maximale du maillon le plus faible ; c’est lui qui donne le ton. Le prêtre ne va pas jusqu’à parler comme le général 4 étoiles de la fraternité d’armes ; mais on comprend que ces deux hommes se retrouvent dans la parole du militaire pour qui cette fraternité « est le seul moyen de permettre à des gens de faire des choses extraordinaires ». « La fraternité c’est un devoir », reprend l’éducateur, un devoir comme celui de guider un aveugle. Cela ne souffre aucune négociation. Rodolphe Pasquier Desvignes, Directeur de la Fondation Saint-Irénée sait bien, pour sa part, que les occasions de rendre service aux plus faibles créent des amitiés durables car elles font appel à une part de soi « rarement mobilisée par l’entreprise » selon ses termes. Aussi inconfortable que cela soit, il faut inverser les termes de la dialectique selon la théologienne Dominique Coatanéa. Saint Paul passe de persécuteur à apôtre, les pauvres passent de personnes qui ont de grands besoins à personnes aux multiples capabilités.

Alexandre Mars, marié et père de 4 enfants, croit à ces retournements. Il est philentrepreneur, un beau mot pour un beau métier. Son témoignage s’écoute comme un conte qui aurait lieu dans la belle ville grecque de Corinthe, une autre ville chère à Saint Paul. Le roi de la cité s’appelle Sisyphe. Il est fourbe et trompe les dieux. Sa punition est terrible, nous rappelle Alexandre Mars : rouler une lourde pierre au sommet de la montagne qui surplombe la ville pour la voir redescendre dès qu’elle arrive en haut et devoir la remonter par la pente qu’elle vient de dévaler.

Alexandre Mars sait qu’il n’en aura jamais fini avec son projet, pourtant si simple : « Je sais pourquoi je suis là, pour être au service des autres ; c’est un objectif de vie que je n’atteindrais jamais ; c’est comme le mythe de Sisyphe. » Plus songeur, il continue : « J’ai eu de la chance. La chance existe mais les chanceux n’existent pas car j’ai beaucoup travaillé avec beaucoup de sacrifices : « Une des raisons majeures de mes succès : savoir que je ne sais rien. Je pars du principe que je ne sais rien. La beauté de la vie est de ne pas savoir. Cela me fait apprendre, en discutant avec des experts dont j’ai besoin pour qu’ils m’expliquent. Le reste, je sais que ça va marcher car ma mère nous a submergé d’amour ; je l’appelle tous les jours où elle me donne de l’amour. A cause de cet amour, je ne peux pas imaginer une seconde que je ne m’occupe pas de ceux qui n’ont pas grand-chose ; nous sommes leurs obligés. Si on ne s’occupe pas des gens, il n’y a pas de futur et peu de présent ».
Voilà donc où il nous faut aller.

 

DENOUEMENT 12 Or, Ananie, un homme religieux selon la Loi, à qui tous les Juifs résidant là rendaient un bon témoignage, 13 vint se placer près de moi et me dit : “Saul, mon frère, retrouve la vue.” Et moi, au même instant, je retrouvai la vue, et je le vis.

Pour croire à ce chemin de Damas, on a besoin de rencontrer au moins une personne qui sort du lot. Une personne dont la lumière intérieure rappelle un tant soit peu la lumière venue du ciel qui nous a retournée. Hier, Ananie s’appelait Olivier Finaz.
Oliver raconte : « Nous travaillons avec des repris de justice ; nous n’avons pas de référentiel ; il faut prendre des risques pour faire le pas de la solidarité, du vivre ensemble, de la fraternité. Chaque jour nous portons un regard d’espérance sur la fracture sociale : le pire serait de vivre comme si de rien n’était ».
Sa foi se fait communication. Il poursuit : « Ce qui est extra, c’est qu’on découvre des jeunes qui ont des talents, ils avaient simplement besoin de confiance, et de fierté. Ils sortent d’un milieu défoncé et nocif ; l’entreprise est un monde qui peut les ouvrir. Donner de l’espoir à ceux qui n’ont plus d’avenir, voilà ce que nous voyons. Il faut donner envie de vivre. Un pas fait à temps en vaut 100. » 

Certains parmi nous étaient un peu perplexe en commençant la journée. Même après une matinée d’échange, ils n’y voyaient toujours pas très clair. Alors oui, Olivier Finaz nous a fait recouvrer la vue. L’histoire de la doctrine sociale en acte, comme le professent les Entretiens de Valpré, peut alors continuer à être écrite.

« Bien sûr, nous ne sommes pas des experts », avons-nous aussi entendu à cette table ronde où siégeaient également Laurent Cousin de Sodexho, Bénédicte Durand Deloche d’Altheora et Gilles Vermot-Desroches de Schneider Electric. « Les deux indicateurs stratégiques en général : le pifomètre et le trouillomètre » Ce dernier le reconnait d’ailleurs : « Mélanger le bien commun, le vivre ensemble et l’entreprise : on n’y arrive pas ». Il faut avant tout faire, selon la parabole du colibri, en se rappelant, selon ses termes « qu’empêcher les jeunes de repenser le monde est une erreur ; cela nous bloque demain. »

Ouvrir un demain souhaitable. Voilà l’objectif. Nous sommes informés, prévenus, peut-être même nous sentons nous appelés.
Le récit de saint Paul peut maintenant s’achever.

 

LA MISSION DES ENTRETIENS DE VALPRÉ 14 Il me dit encore : “Le Dieu de nos pères t’a destiné à connaître sa volonté, à voir celui qui est le Juste et à entendre la voix qui sort de sa bouche. 15 Car tu seras pour lui, devant tous les hommes, le témoin de ce que tu as vu et entendu.

Voilà donc un nouvel avenir qui s’ouvre. Il nous faut y croire. Peut-être n’est-ce qu’une utopie mais les utopies sont des idées motrices. C’est en tout cas ce que pense Cédric Van Styvendael ! Le Maire de Villeurbanne, 19e ville de France, 150 000 habitants, dont la moitié de la population a moins de 30 ans, a pris le temps de nous montrait l’importance de l’utopie. Dans la salle quelques personnes, dont le Président des Entretiens de Valpré, qui semblaient avoir lu l’Utopia de Thomas More dressèrent les oreilles.

« J’ai 3 utopies :

  1. Le Bien Commun se joue dans le partage des richesses en faveur de l’environnement, comme, nous y invite l’encyclique Laudato Si.
  2. La multicultualité de notre cité est un fait indépassable ; il faut savoir se parler avec cœur pour ne pas donner prise à la violence ; sinon, aujourd’hui, quoi que je dise, j’ai tort.
  3. Développer la culture et la beauté ; avoir une utopie de la beauté en créant de l’imaginaire positif et sensible. »


On compte sur lui pour le faire. Alexandre Bompard, de Carrefour, en fin de journée lui en donne la mission : « L’intérêt général se fait dans la haute administration et dans la politique. Mais, ajoute-t-il, les changements se font par les entreprises, qui ont une part de la transformation à faire ».

Certes, comme le dit ce premier patron de France, « seule une entreprise performante peut prendre en charge des sujets de transformation sociale. » Mais les JO ont été là pour montre que quand c’est possible, ça se fait vraiment.

On le comprend donc après une journée d’échange. Les organisations, entreprises, PME, fondations, start-up, etc. ont les moyens de faire quelque chose. Elles ne peuvent décemment pas rester spectatrice des bouleversements sociétaux que nous vivons. Pascal Rémy, Président de SNF nous a bien rappelé la pensée de Jean Tirole : « l’entreprise ne doit pas avoir trop de mission ». Pas trop, pas toutes certes, mais au moins celle-là !

Elles peuvent être motrices des changements vers le bien, et nous aider à faire des pas en avant vers le Royaume de Dieu. Comme tout un chacun cela ne se fera pas sans le retournement de certains, de leur posture, sans une conversion de leur regard.
 

Fabien Lejeusne, lors du mot final, a noté que plusieurs fois il avait été dit dans la journée « On est à Valpré, on peut le dire », attestant que ce lieu est celui d’une parole, sinon qui libère, du moins qui semble comme libérée de certaines convenances ou limitations propres au milieu professionnel. Personne n’est dupe : il ne s’agit pas de s’ériger en prophète, mais peut-être simplement de croire à voix haute, d’espérer plus fort que d’habitude. « Faire société » ça commence peut-être par-là, par cette confiance qui permet l’échange de paroles autres.

Confiance en quoi ? Confiance dans l’ascenseur social de Carrefour, que son PDG nous dit être pur et parfait. Là, c’est sans doute exagéré.

Confiance en l’homme ? Alexandre Mars, déjà cité, nous avait mis sur la route : « pas vraiment, car il est imparfait ; c’est une douleur. »

Confiance dans la vie souffle-t-il : « Là où j’ai le plus de joie c’est dans les lieux difficiles ; j’ai simplement besoin d’avoir du temps et de l’empathie pour vivre cela. »

Confiance en Dieu finalement, même si son nom n’a pas été prononcé.

Peut-être est-ce tout cela que nous devons demander dans cette matinée spirituelle, du temps et de l’empathie, ces deux ingrédients essentiels pour « Faire société » et Dieu pour faire advenir le Royaume, comme aiment à le dire les Assomptionnistes à l’origine de ces Entretiens.

Ayons l’audace des apôtres, de saint Paul en l’occurrence, pour nous y aventurer.

Je vous remercie.

 

Arnaud Alibert, aa