David Marmo : jusqu’où aller dans le « vivre ensemble » en entreprise ? — Les Entretiens de Valpré

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Au croisement de l’entreprise et de la personne humaine

David Marmo : jusqu’où aller dans le « vivre ensemble » en entreprise ?

David Marmo, Directeur associé Oasys & Cie – Lyon Rhône Alpes, interroge sur la possibilité de créer un environnement de travail à la carte au sein des entreprises.

Un environnement de travail à la carte est-il vraiment possible ? Si chacun de nous aspire à un univers de travail à son goût, il devient vite illusoire de penser qu’un manager, a fortiori une entreprise, puisse adapter un cadre collectif en intégrant toutes les considérations individuelles. Mais alors, doit-on renoncer pour autant à créer un espace de travail commun et efficient, assurant une qualité de vie adaptée aux aspirations de chacun ? 

Définir le juste niveau de « vivre ensemble »

La question du but recherché est centrale : que doit viser le manager dans l’animation de son équipe : une osmose totale, où toutes les individualités sont effacées au bénéfice du collectif ? Ou bien une approche complètement personnalisée, en dédiant à chaque collaborateur une feuille de route individuelle, sans prise en compte du collectif ?

En premier lieu, la définition de ce cadre de travail est délimitée par des lois et des règles (dont le code du travail et les règlements intérieurs). D’autres limites sont plus impalpables, nées de l’éducation, de la pratique et de l’usage, et des cultures d’entreprise. Dans sa recherche d’optimisation, le manager, qui peut jouer sur plusieurs leviers, s’efforce d’instaurer un environnement inclusif et bienveillant favorisant à la fois le bien-être individuel et la performance collective. Il s’agit pour lui, et pour l’équipe, de créer un cadre où chacun se sent respecté, écouté, valorisé, avec des relations construites sur la confiance, la transparence et la solidarité.

Or, derrière ces mots, chacun peut projeter des réalités bien différentes :

  • « Toute l’équipe déjeune ensemble sur la pause du midi mais je préfère prendre ce temps pour me ressourcer et me changer les idées » : est-ce que je suis égoïste ? Est-ce que l’on va me reprocher de ne pas œuvrer pour le développement de la dynamique collective ?
  • « Mon manager veut faire une réunion physique jeudi prochain mais c’est mon jour de télétravail » : est-ce que je dois chambouler toute mon organisation ou est-ce à mon manager de proposer une autre date ?
  • « Le projet sur lequel je travaille est arrêté du fait de priorités stratégiques différentes » : est-ce que je me sens valorisé, respecté ?
  • « On me demande de remplir des outils de reporting utiles à l’entreprise mais dont je ne vois pas l’utilité » : pourquoi ne respecte-t-on pas mon choix de ne pas le faire si je ne vois pas à quoi cela sert ?

La nécessité de construire ensemble le cadre de vie

Créer un cadre qui convienne à tous à 100% est une utopie, du fait des attentes et des besoins de chacun, des différences de profils, d’éducation, de valeurs, de générations ou de besoins du moment. Il est donc illusoire de chercher à satisfaire tout le monde et de tenter d’atteindre la perfection. Pour autant, il est primordial de s’accorder sur un cadre collectif qui prenne en compte, en premier lieu, des objectifs de l’entreprise et la mission de l’équipe, puis les attentes et besoins du manager et enfin d’intégrer des ajustements permettant à chacun d’exercer au mieux son rôle dans ce contexte collectif. Mener la réflexion à rebours amènerait à lister un recueil d’attentes de chacun et tenter ensuite de trouver un fil conducteur forcément bancal. C’est en se trompant de priorité que le manager se crée des difficultés insolubles par la suite.

A contrario, une cohésion et une attente collective trop poussée peut rapidement basculer dans une dynamique de surcontrôle ou d'uniformisation des contributions, où chaque collaborateur est attendu dans des rituels collectifs ne respectant pas toujours les individualités. Parfois perçu comme une intrusion, un tel climat peut générer des tensions invisibles, où chacun se sent contraint de masquer ses véritables besoins. Il est donc essentiel pour le manager de trouver un juste équilibre, en favorisant la cohésion sans compromettre la diversité des personnalités et des modes de fonctionnement.
 

Les outils du manager pour construire le cadre et le faire vivre sur la durée

  1. Définir ou rappeler régulièrement le cadre collectif de l’équipe 
    Pour donner du sens, le manager doit commencer par le rappel des missions ou des objectifs de l’équipe. Sans cette feuille de route explicite, toutes les demandes peuvent devenir légitimes. Par définition, il est impossible de recadrer sans cadre clair et partagé !
     
  2. Animer le collectif par des rituels réguliers 
    Le seul membre de l’équipe qui détient la responsabilité du collectif est le manager. De par son rôle unique, il est attendu qu’il crée et maintienne un lien entre les membres de l’équipe et organise des rituels collectifs pour animer cette dynamique. S’il peut en déléguer l’exécution, il reste le garant de sa bonne tenue sur la durée.
     
  3. Replacer les demandes individuelles dans le cadre collectif 
    En ayant, depuis les années COVID, déplacé le curseur des attentes des salariés vers plus d’individualisation, il est naturel que parviennent au manager des sollicitations plus personnelles et plus variées. Or, avant de répondre, le manager doit pouvoir évaluer les impacts de l’implémentation de ces demandes sur le reste du collectif… et répondre en conséquence.
     
  4. Écoute et questionnement 
    Du point de vue managérial, la qualité d’écoute semble être un prérequis. Or, il est fréquent d’observer un manque d’écoute flagrant entre les différents interlocuteurs. Aussi bien pour le manager que pour tous les membres de l’équipe, le développement d’une culture d’écoute, de feedbacks constructifs et de questionnements ne peut qu’améliorer une compréhension plus fine des attentes et des besoins des autres, et donc d’un vivre ensemble plus harmonieux.

Sur la durée…

Comme pour tout investissement, plus le manager dédiera du temps à la création d’une dynamique collective, plus les bénéfices se feront ressentir :  compréhension mutuelle, capacité à faire des efforts au nom du collectif, respect des différences de chacun, etc. Tout cela ne se construit pas en un jour, ni en distanciel : le temps passé ensemble est un impératif incontournable.