Les émotions dans la dynamique collective d’une équipe
David Marmo, directeur Oasys Consultants Lyon.
La dynamique collective des équipes est mise à mal depuis un certain nombre d’années. Si le télétravail en est le point culminant (chacun chez soi derrière son écran), il est un révélateur de l’avènement du travail individualisé entamé depuis plusieurs années dans nos entreprises.
Aujourd’hui, de nombreux facteurs nous poussent à investir de nouveau sur ce collectif : un environnement complexe de plus en plus imprévisible, des solutions nouvelles à inventer, des process dopés à l’intelligence artificielle, qui gèrent bien plus efficacement les tâches à faible valeur ajoutée.
Mais cette dynamique collective ne se décrète pas, elle se construit, petit à petit, avec un grand nombre d’ingrédients. Si la construction d’une vision partagée avec des objectifs coordonnés est une partie de la solution, la dynamique relationnelle et la bonne entente entre ses membres en est la partie immergée de l’iceberg.
Est-ce qu’une équipe sportive gagne parce qu’elle s’entend bien ou est-ce qu’elle s’entend bien parce qu’elle gagne ? Aussi fertile comme échange que la poule et l’œuf. Mais comment investir sur cette partie relationnelle ?
Les émotions au service du collectif
Un facteur accélérant de la bonne santé d’une équipe est le niveau d’intelligence émotionnelle de ses membres. Savoir comprendre et lire ses propres émotions, détecter et accompagner celles des autres, bâtir des relations durables. Ces trois premiers domaines permettent au collectif de gérer son niveau relationnel et la bonne régulation des interactions entre les membres de l’équipe. À un niveau supérieur, la prise de décision et la gestion du stress en sont également grandement améliorées.
Comprendre le mécanisme des émotions permet, en tout premier lieu, de mieux analyser ses réactions et ses interactions. Les émotions sont, avant tout, des signaux qui disent à notre corps de se mettre en mouvement face à un stimulus extérieur : la peur est déclenchée par la possibilité d’un danger, la colère alerte d’une attaque/intrusion/manque de respect. Cette compréhension aide donc chacun à « prendre sa part » dans la dynamique collective : « qu’est-ce qui me met en colère ? », « Il se peut qu’il ait agi de telle sorte parce qu’il est inquiet ou stressé »...
Ce mode de fonctionnement émotionnel, acquis par chaque être humain dès sa naissance, est malheureusement trop souvent méconnu, voire tout simplement refoulé. Nous fonctionnons régulièrement en mode automatique sans forcément nous questionner sur ce qui a provoqué un tel comportement.
Une équipe avec une bonne connaissance des processus émotionnels peut tirer un bien plus grand parti des moments de joie, de réussite, de succès, mais également gérer bien plus aisément les pics de stress ou les mauvaises nouvelles.
Le collectif au service des émotions
Un collectif soudé et « intelligent émotionnellement » peut également être un réel support à chacun des membres de l’équipe. Imaginez un collaborateur en stress parce qu’il a une charge de travail trop importante (il a donc peur de ne pas y arriver). Un collectif uni pourra alors se rendre compte de l’état émotionnel de leur collègue et agir de plusieurs façons :
Être présent et à l’écoute du collaborateur qui va exprimer son appréhension et ainsi la faire diminuer, se sentir moins seul.
Dépasser sa fonction pour lui venir en aide.
Ces actions, à terme, vont faire grandir la joie qui cimentera encore plus le collectif. Cette dynamique s’autoalimente.
De la même façon, imaginez la détresse d’un collègue qui vient d’apprendre une mauvaise nouvelle sur un projet. S’il est seul chez lui en télétravail, le risque est grand qu’il ressasse et que cette douleur l’accompagne un moment. Les émotions désagréables (peur, colère, tristesse) diminuent lorsqu’elles sont partagées. Imaginez, le même collègue au milieu de son équipe, avec des collègues qui adoptent la bonne posture d’écoute et de soutien, qui l’aident à relativiser !
L’intelligence émotionnelle comme principale compétence managériale
Et si, finalement, la principale compétence d’un manager était, en réalité, cette capacité à lire les émotions, les siennes et celles des autres ? Non pas pour les utiliser pour manipuler ses équipes, comme beaucoup peuvent le redouter, mais au contraire pour adopter les bonnes postures avec un maximum d’efficacité : en pic émotionnel, apporter du rationnel (des arguments, des idées, des solutions) est contre-productif. Le manager doit savoir investir du temps d’écoute (pendant ce pic émotionnel) pour que l’émotion sorte et ensuite poser des actions plus efficaces au moment le plus opportun.
Un manager à l’écoute de ses propres émotions, de celles de ses équipes et qui sait prendre le temps de laisser s’exprimer ses collaborateurs pour gérer le pic émotionnel aura tous les outils (nous sommes tous livrés avec le même kit émotionnel, à travers la planète, même si les curseurs peuvent varier) pour créer les conditions d’un collectif performant.
Le début de la réflexion : comprendre les mécanismes émotionnels
Travailler individuellement sur son intelligence émotionnelle, c’est se lancer dans le développement d’une quinzaine de compétences qui permettent d’être plus performant au travail (comme l’évoque l’EQ-I 2.0, l’outil développé par le Dr Reuven Bar-On, depuis près de 30 ans sur le coefficient émotionnel). Cela permet également d’être plus juste et pertinent dans sa vie personnelle : nous n’avons qu’un seul cerveau, siège de nos émotions. "Je suis toujours étonné de me dire qu’après 20 ans d’études, on ne m’ait jamais formé à la compréhension de ces outils, pourtant si utiles dans notre quotidien et dans nos interactions avec les autres (voire avec nous-même). Dans la plupart de nos accompagnements individuels et collectifs aujourd’hui, nous y avons intégré une dimension émotionnelle qui ouvre un grand nombre de portes de réflexions, et souvent un accès plus pertinent à de nouvelles solutions."